e 6 juin, FranceAgriMer a ouvert un dispositif d’aide à l’arrachage des vignes-mères de porte-greffes dotée d’une enveloppe d’un million d’euros. De quoi arracher 300 ha sur les 2 300 ha que comptait le parc en octobre 2024, avec une prime de 3 000 €/ha (bonifiée de 1 000 € pour les jeunes pépiniéristes). Une aide bienvenue en ces temps difficiles.
Installé dans le Vaucluse, Giovanni Varelli n’a pas hésité. Cultivant 24 ha de porte-greffes, il vient d’éliminer quatre parcelles d’environ 50 ares chacune. « J’ai arraché du 3309 qui donnait peu car je l’avais planté dans un terrain trop calcaire et trop sec. Alors qu’on peut espérer récolter 40 000 m/ha de bois, j’en ramassais à peine la moitié. Et depuis deux ans, ces bois ne trouvaient plus preneur, étant surtout utilisés dans le Bordelais. J’ai aussi arraché du RSB1 et du 161-49 C. Le RSB1 obtenait encore de bons rendements malgré son âge. Mais il est spécifique à Cognac où on n’en vend quasiment plus. De même pour le 161-49 C. Ce porte-greffe provoque des dépérissements, sauf à Cognac où il n’est plus demandé. Pour finir, j’ai arraché du SO4 qui ne donnait plus les rendements ni les diamètres de bois attendus », détaille le pépiniériste.
À Camaret-sur-Aigues, dans le Vaucluse, le GIE Bois et Plants de Vigne qui regroupe six producteurs de porte-greffes possède un parc d’environ 55 ha de vignes-mères. « Cinq d’entre nous ont arraché 4 à 5 ha. Principalement du 3309 C, un peu de RSB1 et des vieilles parcelles de SO4. Nous sommes confrontés à une surproduction. Cet hiver, on a dû broyer des parcelles faute de débouchés. L’aide à l’arrachage nous permet de rajeunir le parc », rapporte Jean-François Laget, le président du GIE.
Les Pépinières du Comtat, à Sarrians, ont de leur côté arraché 15 ha sur les 180 ha de leur verger, « principalement du 3309 C et du 101-14 MGT, deux porte-greffes peu vigoureux et peu adaptés à la sécheresse », précise Jean-François Barnier, le président.
À Maruéjols-lès-Gardon, dans le Gard, Lionel Bertrand, des Pépinières Bertrand, a arraché 10 % de son parc – du 3309 C, du Gravesac et du SO4 –, soit 2,5 ha. « Le 3309 C partait surtout dans le Bordelais où la demande a baissé de 30 % en deux ans », détaille le pépiniériste. Quant au Gravesac et au SO4, c’étaient des parcelles âgées.
D’autres porte-greffes trouvent eux aussi plus difficilement preneurs. Mais Lionel Bertrand les conserve. C’est le cas du 333 EM. « On en a 1 ha qu’on avait planté quand Cognac était demandeur. Comme il résiste bien au calcaire, il peut avoir un intérêt chez nous dans les zones où le 110 R montre ses limites. On a aussi gardé nos 80 ares de RSB1 qui sont en pleine production. Ce porte-greffe résiste bien au calcaire et supporte mieux la sécheresse que le SO4. On va voir s’il a un intérêt dans notre région. »
Un autre porte-greffe échappe à la purge : le Paulsen. « En ce moment tout le monde en parle, poursuit Lionel Bertrand. J’ai 60 ans et j’ai connu l’époque où personne n’en voulait car il confère une forte vigueur, retarde la maturation et fait beaucoup de rejets. Mais, aujourd’hui, on a de la demande alors qu’il y a peu de production. On en a 60 ares de vignes-mères et on envisage d’en replanter. » Le Paulsen, un rescapé de la crise ?
Selon les pépiniéristes interrogés, l’aide de 3 000 €/ha couvre tout juste les frais d’arrachage et d’évacuation des souches pour les parcelles conduites en tête de saule. Et ces frais seraient encore plus élevés pour les porte-greffes conduits sur table. Installé à Maruéjols-lès-Gardon, dans le Gard, Lionel Bertrand en sait quelque chose. Il a arraché 80 ares de 3309 palissés sur table. « Il a fallu décoincer tous les bois pris dans le palissage, ce qui a mobilisé de la main-d’œuvre et des frais supplémentaires. Dans les autres parcelles, seul le passage de la machine a généré un coût. » Les parcelles arrachées doivent rester au repos pendant dix ans avant que les pépiniéristes puissent y replanter une nouvelle vigne-mère et même douze ans pour une pépinière. En attendant, « on va semer de la luzerne ou des céréales », indique Lionel Bertrand