e Comité Champagne vient de franchir une étape majeure dans la lutte contre l’oxydation des vins effervescents. Si le Comité Champagne avait déjà entrepris des recherches en 2021 visant à inerter les bouchons avec de l’azote sans altérer leur structure ni leurs performances mécaniques, cette fois le procédé semble bien avoir passé la preuve de concept avec une application industrielle.
Lors de l’élaboration du champagne, deux phases de bouchage sont nécessaires. Si la première, au moment du tirage, est bien maîtrisée, la seconde — qui intervient après le dégorgement — est perfectible. « À ce stade, le bouchon de liège libère rapidement une quantité importante d’oxygène, soit 80% de l’oxygène transmis au vin dans les deux ans.
« Ce phénomène de désorption peut relarguer jusqu’à 3 mg par bouteille en moins de trois mois alors que le vin n’a pas la capacité de la consommer » déclare Benoît Villedey, Responsable du service Ingénierie, Process et Innovations du Comité Champagne. « Un pic d’oxygène se créé et le choc oxydatif brutal peut altérer les arômes, accélérer le vieillissement et qui peut altérer la qualité du vin en l’absence de sulfites »
Cette fois, le Comité Champagne s’est rapproché de le fabricant de machines d’embouteillages Gai. « Il nous a proposé de créer un prototype capable d’inerter des bouchons et intégrant quatre paramètres contrôlés : pression d’azote, température de traitement, durée et application du vide » raconte Benoît Villedey. « Nous avons ensuite créé une recette, un procédé réalisé à 35°C sous vide pendant 20 jours, qui permet de chasser l’oxygène contenu dans le liège, sans altérer les propriétés mécaniques du bouchon ».
Le prototype actuel opère à un vide dit « grossier » aux alentours de 100 mbar. « Nous n’excluons pas de le pousser davantage pour accélérer encore ce processus » imagine Benoît Villedey.


Une version accélérée du traitement — trois jours pour les bouchons micro-agglomérés et six jours pour les bouchons traditionnels (avec des rondelles de liège naturel) — permet déjà de réduire de moitié la quantité d’oxygène relargué, ce qui correspond à une diminution d’environ 2mg d’oxygène par bouteille dans le vin. « Quand on connaît l’énergie dépensée par les œnologues pour réduire l’oxygénation des vins dans un processus d’élaboration du Champagne, ce procédé est une solution très performante ».
Dès six mois, les premières dégustations à l’aveugle révèlent une différenciation organoleptique significative en faveur des vins bouchés avec des éléments inertés. « On note un écart sensoriel important, moins oxydatif. Ce procédé va donc permettre d’améliorer le potentiel de conservation des cuvées. Car en parallèle, l’usage des sulfites et des anti-oxydants ajoutés à la liqueur d’expédition pourrait être réduit, voire évités, ce qui constitue un levier supplémentaire pour les élaborateurs travaillant sur des profils sans soufre » explique Benoît Villedey.
« Le jetting avait déjà permis de supprimer les 7 ou 8 mg d’oxygène de l’espace de tête. Aujourd’hui, en supprimant le phénomène de désorption, cela ouvre la voie à une gestion intégrale de l’oxygène en bouteille. La perméabilité du bouchage de liège aura d’autant plus d’impact » déclare-t-il.
Seul impératif : une fois inertés, les bouchons doivent être utilisés dans les six heures à huit heures suivant leur exposition à l’air libre pour ne pas pénaliser leur performance technique. Des solutions logistiques devront donc être mises en place, soit via un conditionnement spécifique développé par les bouchonniers, soit par l’intégration du procédé d’inertage sur site, au sein des maisons.
« Les résultats de ce projet ont été présentés et transmis à tous les bouchonniers de la filière Champagne. Ils ont désormais les clefs pour s’approprier cette innovation et proposer à la Champagne des bouchons inertés, dans les prochains mois ou années » espère Benoît Villedey.


Aujourd’hui, le prototype est d’ores et déjà à la disposition des champenois. « Nous pouvons produire de petits lots d’une centaine de bouchons pour les maisons et vignerons qui souhaiteraient tester cette innovation sur leurs cuvées » indique Benoît Villedey avant de préciser « nous avons déjà plusieurs demandes que nous traiterons dès que les vendanges seront terminées».
Un procédé innovant qui ouvre ainsi la voie à une gestion intégrale de l’oxygène en phase finale d’élaboration.