En cette rentrée et depuis quelques années, on apprend ici et là que certains domaines prestigieux et d’autres plus modestes, quittent les contraintes de l’appellation pour la liberté offerte par les Vins Sans Indication Géographique. J’aimerais, en tant que président de la CNAOC et au nom des 366 AOC vin et eaux-de-vie de vin, rappeler un certain nombre de fondamentaux.
L’AOC, c’est avant tout une promesse de typicité : un vin qui exprime son terroir, son climat et le savoir-faire collectif. C’est cette identité, à la fois organoleptique et culturelle, qui fait la force et la reconnaissance de nos appellations dans le monde. C’est aussi ce qui les distingue de produits standardisés. La plupart des domaines les plus prestigieux de France continuent d’ailleurs à porter haut les couleurs de leur appellation.
Revendiquer une appellation est un choix. Oui, cela suppose de respecter un cahier des charges, contrôlé par les professionnels et par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), mais ces contraintes sont à la base de nombreux avantages : elles donnent des repères au consommateur, elles protègent des noms prestigieux contre les contrefaçons et l’identité de nos appellations/terroirs, et elles apportent une notoriété nationale et internationale. C’est pourquoi 95 % de la production viticole française reste aujourd’hui sous AOC ou IGP.
Alors bien sûr, sortir d’une appellation est aussi un choix. Mais lorsqu’on avance que le cadre de l’AOC serait un frein à l’innovation face au changement climatique, je veux rappeler plusieurs choses.
D’abord, ce cadre n’est pas imposé de l’extérieur : il est construit par les viticulteurs eux-mêmes, au sein de leurs organismes de défense et de gestion (ODG), et validé collectivement à l’INAO. Ce ne sont pas des "technocrates" à Bruxelles qui fixent les règles : ce sont les vignerons. Une appellation, ça ne se subit pas, ça se gouverne. Et ce cadre peut évoluer. Une tradition, au fond, n’est rien d’autre qu’une innovation qui a réussi.
Ensuite, les appellations savent évoluer. On ne cultive pas la vigne aujourd’hui comme on le faisait il y a 50 ans, et dans 20 ans ce sera encore différent. Regardez la Provence : qui irriguait il y a 25 ans ? Personne. Aujourd’hui, beaucoup le font. Mais en appellation, l’irrigation ne se fait pas n’importe comment : on le fait en préservant la qualité, la typicité et l’environnement.
Nous avons des outils puissants pour cela. Les Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation (VIFA), le Dispositif d’Évaluation des Innovations (DEI) : tout cela permet de tester de nouvelles pratiques, d’introduire ou de redécouvrir des cépages adaptés, de partager les résultats avec l’ensemble de la filière. C’est de l’intelligence collective au service de l’avenir.
Enfin, il ne faut pas oublier que quitter l’appellation, c’est aussi perdre l’accès aux codes qui font la force de notre identité : l’usage d’un nom géographique, la mention d’un cru, et même certains termes comme "château". On ne peut pas vouloir les avantages d’une appellation tout en s’en affranchissant.
Construire sa notoriété grâce à l’AOC et ensuite renier ce collectif ne permettra pas d’entraîner la filière dans les adaptations indispensables face aux défis climatiques. La diversité fait la force, et ensemble nous sommes plus forts. Pour cette raison, nous ne fermerons jamais la porte à ceux qui quittent les AOC. Ils seront toujours les bienvenus dans le collectif, le dialogue sera toujours ouvert de notre côté. J’irai même plus loin, nous avons besoin de ces forces vives pour évoluer, mais évoluer ensemble.
L’AOC est un outil vivant, souple, en constante évolution. L’INAO, avec les professionnels, a su mettre en place des instruments modernes qui conjuguent identité et innovation. C’est cette combinaison qui assure la pertinence et la solidité du système pour l’avenir. »