ourquoi cette prise de position aussi marquée en faveur des vins désalcoolisés ?
Fabrice Sommier : Tout d’abord, on oublie trop souvent qu’un sommelier est quelqu’un qui peut travailler dans un restaurant, et d’autres endroits, et qui s’occupe de l’ensemble des boissons proposées dans l’établissement, du thé aux eaux-de-vie en passant par l’eau. Son rôle s’étend à toutes les boissons de qualité capables de susciter une émotion. Ensuite, nous vivons une période difficile dans la consommation du vin, marquée en restauration. Il y a alors deux solutions : d’une part se lamenter et continuer à vendre une bouteille ou un verre 4 fois son prix, et continuer à détourner le consommateur du vin, ou bien choisir de devenir précurseur et de proposer des choses différentes, à l’écoute de tous nos convives, sans distinction, et des nouveaux modes de consommation.
C’est-à-dire ? D’autres boissons que le vin ?
Prenons l’exemple du vin au verre, qui s’est considérablement développé en quelques années. Comment se fait-il qu'il y ait encore des restaurateurs qui ne le proposent pas, ou le proposent mal ? Alors qu’il existe des solutions efficaces de conservation sur la longue durée de bouteilles entamées, et je ne parle pas que pour les grands vins. C’est valable pour tous les types de vins. Cela peut paraître une perte de temps pour certains, mais cela reste une vente additionnelle. D’autant que la bonne conservation permet de moins marger et proposer des verres à tarif doux. Quand on voit des vins au verre affichés à des prix où il y a une grosse marge, sous prétexte qu’une fois la bouteille ouverte, on perd une partie, ça n’a plus de sens vu les moyens à disposition.
A contrario, d’autres restaurateurs n’hésitent pas à innover en proposant par exemple le demi-verre de vin. Là encore, c’est non seulement une vente additionnelle mais une opportunité offerte au client de consommer dans un format où il peut se sentir plus à l’aise, et accompagner un repas avec 2 ou 3 vins différents. De toutes façons, un restaurant qui ne propose pas de vin au verre ne vend plus grand-chose aujourd’hui. Combien de bouteilles voit-on sur les tables lorsqu’on rentre dans un restaurant le midi, et même le soir. Il faut sortir de la logique où la restauration fait la marge sur le vin. Je me suis toujours engagé pour vendre le vin à prix raisonnable.
Où se situent les vins désalcoolisés dans cette offre alors ?
Pour être honnête, j’ai dégusté par le passé des gammes de vins dits "sans alcool" de piètre qualité, mais la gamme de vins de France désalcoolisés de la maison Chavin, m’a impressionné par la qualité et le goût authentique qu'ils parviennent à offrir, même sans les molécules alcool. Mais on ne déguste pas de la même manière une eau-de-vie ou un thé qu’un vin, donc il faut là aussi déplacer ses référentiels en dégustant un vin désalcoolisé. Les vins blancs et effervescents désalcoolisés atteignent aujourd’hui un niveau très intéressant et permettent de proposer aux clients de très bonnes choses hors vins, avec de la délicatesse, de la finesse. Que ce soit pour des raisons de santé, de grossesse, de sobriété, par goût, peu importe. Là aussi, ça apporte un complément de revenus à l’établissement et permet aux gens qui ne s’orientent pas vers le vin d’avoir des solutions à disposition sans ségrégation. Et si l’on regarde du côté de la bière, le succès du sans alcool dans cette filière a permis aux grandes marques de faire de la publicité pour leurs produits avec alcool et les vendre plus.