Pascal Lavergne

A Bordeaux, "nous sommes restés assis sur notre nom"

Le député de l’Entre-deux-Mers appelle le vignoble bordelais à sortir de sa zone de confort pour se remettre en cause et retrouver sa place dans une compétition mondialisée.
Quel constats tirez-vous de la crise commerciale des vins de Bordeaux ?
Il faut distingue deux choses. Une problématique de filière qui est indéniable (les taxes Trump ont plombé le marché, tout comme le confinement) et des problématiques structurelles que l’on trouve dans certains vignobles (dont Bordeaux). En tant que viticulteur et député circonscription à majorité vinicole, j’observe depuis vingt ans sur les statistiques un écart permanent entre les volumes produits et ceux commercialisés. Les ventes ne repassent pas devant la production. Alors que la consommation mondiale augmente, on n’a pas su prendre de parts de marché. Ce n’est sans doute pas un problème de prix, les niveaux sont acceptables, ce pourrait être un problème d’adéquation aux goûts des consommateurs.
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Il faut donc changer le goût des vins de Bordeaux pour renouer avec les marchés mondiaux ?
Nous sommes sans doute trop corsetés à Bordeaux, nous nous interdisons des possibilités que les vignobles argentins ou australiens s’autorisent. Nous avons un problème d’adéquation entre ce que cherche le consommateur et ce que nous sommes en capacité de produire. Nous sommes restés assis sur notre nom, nous n’avons sans doute pas été assez réactifs face au monde qui demande de l’être. Le problème de la vigne est d’être une plante pérenne qui ne peut pas être changée rapidement.
Au-delà du constat, il faut prendre les choses en main. A Bordeaux il y a eu trop de confiance dans le nom et l’image qui y est collée. Mais actuellement, les consommateurs (comme les électeurs) sont très versatiles. Sur un marché mondialisé, la concurrence est forte. Ce qui n’aide pas Bordeaux, c’est un encépagement très marqué par le merlot, ce qui produit avec le changement climatique des vins trop alcooleux. J’ai l’impression que les gens ont besoin de choses moins fortes, plus fruitées et avec de la sucrosité.
Avez-vous d’autres pistes de solution en tête ?
Aujourd’hui, il faut trancher dans le vif. Nous ne pouvons pas traîner un million d’hectolitres de stocks supplémentaires. Il n’y aurait pas eu la Covid-19, il aurait fallu régler ces problèmes. [Avec l’aide à la distillation de crise,] Bordeaux s’engouffre dans une brèche pour régler d’autres problèmes avec les leviers disponibles. Mais la situation était déjà bien tendue avant la covid.
Se pose la question des contrôles qualité. Le système bordelais élimine 0,5 % des volumes, contre 2 à 5 % ailleurs. Des volumes ne sont pas éliminés pour des raisons sociales, mais cela fait couler tout le monde, doucement, mais surement… Il faut s’interroger sur l'agrément et sur Qualibordeaux.
Niveau rendement, on peut le baisser pour régler le problème de l’offre, mais va-t-on régler celui de la demande ? Cette mesure étant généralisée, elle peut priver de marchés ceux qui réussissent. Ce qui n'est pas forcément compris par tous…