Sursimplification administrative
Après 2022, l’obligation de déclaration de récolte en suspens

Jouant sur deux tableaux, le gouvernement souhaite mettre en application la réglementation européenne qui lève l’obligation de déclarer annuellement sa production au casier viticole, tout en laissant à la filière le soin de trouver de nouvelles modalités de contrôles… et d’obligation.
Ménager la chèvre et le chou est un exercice politique particulièrement périlleux lorsqu’il s’agit de le retranscrire dans la loi. Mais la logique du « en même temps » cher au président de la République semble bien maîtrisée par son gouvernement, qui en a fait l’éclatante démonstration lors du retour, ce 13 septembre, à l’Assemblée Nationale du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole. Alors que les vendanges font l’actualité du vignoble français, le texte actuel introduit une nouveauté de taille : à partir premier janvier 2022, la déclaration de récolte devient facultative dans une logique de simplification administrative, mais le maintien de son obligation reste envisageable dans une logique de filière.
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C’est en substance le sens de l’amendement 954 déposé à la rentrée par le gouvernement pour modifier l’article 407 du Code Général des Impôts, qui retoque l’article 11 nonies F ajouté par le Sénat à l'article L. 644-6 du Code Rural en juin dernier. Là où les sénateurs souhaitaient simplement « assurer une traçabilité des produits vitivinicoles [en tenant] les personnes physiques ou morales récoltant des raisins de cuve de faire une déclaration de récolte aux autorités compétentes pour la campagne viticole au cours de laquelle la récolte a eu lieu », les ministres se mettent subtilement en conformité avec le règlement européen n° 436/2009, ce qui rendrait facultative la déclaration de récolte après le 31 décembre 2021.
Malgré sa subtilité, l'amendement gouvernemental est combattu par un trio de députés viticoles*. Souhaitant rétablir l'article validé par le Sénat, ces élus du vignoble estiment que « la déclaration de récolte des raisins est un outil indispensable pour la traçabilité des vins AOP [qui] permet d’effectuer des contrôles efficaces et performants, d’aller vérifier la traçabilité des vins en cas de suspicion. Une suppression de la déclaration de récolte entraînerait un transfert de la maîtrise du cahier des charges des AOP de l’amont vers l’aval. »
La déclaration annuelle de vendanges au Casier viticole informatisé (CVI) permettant de suivre pour chaque propriété « la quantité, la superficie en production, la destination et, le cas échéant, la nature des produits vendus à un vinificateur ou livrés à une cave coopérative », comme le rappellent les Douanes sur leur site.
Pour soutenir un amendement attaqué par le vignoble, le gouvernement estime pourtant œuvrer pour l’obligation de déclaration de récolte (« conformément à la volonté des sénateurs et des professionnels de la filière viticole »). S’appuyant sur des arguments juridiques précis, le gouvernement précisant que l’amendement du Sénat « est inopérant, notamment parce qu’il ne permet pas d’habiliter les agents des douanes à réaliser les contrôles y afférent, et ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect » et parce que « le Code Rural [renvoie] directement à la déclaration de récolte mentionnée à l’article 407 du Code Général des impôts ».
Pour que la déclaration de récolte soit bien opérante, le gouvernement le consolide donc avec son amendement. Mais de manière temporaire, le gouvernement agissant « conformément [à ses] orientations en faveur de la simplification des formalités administratives et en cohérence avec la possibilité offerte par la réglementation européenne » de rendre la déclaration de récolte facultative. Le délai de 2022 est ainsi présenté comme une « période transitoire [qui] permettra aux professionnels d’adapter leurs procédures de contrôle, et de mettre en cohérence les dispositions du Code Rural se fondant sur la déclaration de récolte ». Ménager la chèvre administrative et le chou viticole demande décidément de la dextérité.
* : Il s’agit des députés Lise Magnier et Charles de Courson pour la Marne, Antoine Herth pour le Bas-Rhin.
Après le ballet des navettes parlementaires, le projet de loi issu des États Généraux de l’Alimentation est devenu un véritable mille-feuille législatif dans lequel la filière viticole a bien du mal à retrouver ses petits. Parmi les autres dispositifs allant toucher la filière, on apprend au détour de l’article premier que la contractualisation des vins sera exemptée de durée minimale : « les dispositions relatives à la durée minimale du contrat ne sont applicables ni aux produits soumis à accises, ni aux raisins, moûts et vins dont ils résultent ». Les modalités viticoles de contractualisation ayant fait débat dans la filière (cliquer ici pour en savoir plus).
Effrayant de plus en plus le vignoble, l’article 14 septies introduit à partir de 2020 des chartes de bon voisinage concertées entre agriculteurs et riverains, afin de réduire les risques d'exposition phyto. Faute de quoi des traitements phytos à proximité d’habitations pourraient être interdits : « les utilisateurs formalisent […] une charte d’engagements […]. Lorsque de telles mesures ne sont pas mises en place, ou dans l’intérêt de la santé publique, l’autorité administrative peut restreindre ou interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. » Ce dispositif faisant craindre à la filière un nouveau concept punitif de Zone de Non Traitement à proximité des habitations.
L’article 11 nonies F réintroduit l’obligation d’étiquetage clair du pays d’origine pour les vins embouteillés en France à partir du premier janvier 2019 (« la mention est indiquée en évidence sur l’étiquette de manière à ne pas induire en erreur le consommateur moyen quant au pays d’origine du produit, d’une manière quelconque, y compris en raison de la présentation générale de l’étiquette »). L’article 11 nonies E élargit ces obligations d’indication du pays d’origine aux cafés, hôtels et restaurants (pour « les vins mis en vente sous forme de bouteille, de pichet et de verre »).
Les technophiles noteront que l’article 14 sexies ouvre, comme annoncé, trois ans d’expérimentation des traitements phytos par drones (pour être précis, « des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques »). Mais pour les seules parcelles aux pentes supérieures à 30 %.