Le dépôt d’un nom géographique à titre de marque est strictement réservé aux vins bénéficiant d’AOC et d’IGP, les vins de table ne pouvant pas faire référence à un lieu géographique, mis à part le pays dans lequel ils sont produits (exemple : « vin de France »). Cette interdiction vise à protéger le consommateur qui a tendance à associer un nom géographique à une indication géographique (IG).
Les normes protégeant les IG sont nombreuses et complexes, nous vous proposons dans cet article de revenir sur les règles à connaitre et les pièges à éviter avant de procéder au dépôt d’une marque composée d’un nom géographique.
1. Votre vin ne bénéficie pas d’une indication géographique :
Vous souhaitez déposer une marque viticole comprenant un nom géographique, cependant votre vin ne bénéficie d’aucune appellation d’origine contrôlée ou indication géographique protégée. Dans ce cas, attention, votre marge de manœuvre est très limitée.
Les vins sans IG n'ayant pas d'origine précise et protégée, l'usage d'un nom géographique dans la marque le désignant est interdit. Il est en effet nécessaire d'éviter toute indication trompeuse pour le consommateur.
Seule la mention de l'État d'origine des vins est autorisée sur l’étiquette (Règl. (UE) n° 2019/33, 11 janv. 2019, art. 45)[1]. La provenance doit obligatoirement figurer dans la dénomination de vente : « vin de France » ou encore « vin de la Communauté européenne ».
L’usage de noms géographiques relevant des AOC et IGP pour des produits qui n’en bénéficient pas constitue une atteinte à la renommée des IG et un profit indu de la notoriété de celles-ci.
C’est pourquoi depuis l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019[2], l’existence d’une AOC ou d’une IGP antérieure est à la fois un motif absolu et motif relatif de refus d’enregistrement ou d’annulation d’une marque (cf. art L.711-3, 5° CPI, art L.711-2, 9° CPI).
Le refus d’enregistrer une AOC ou une IGP à titre de marque pour des produits qui n’en bénéficient pas, se justifie par l’interdiction de déceptivité de la marque : le consommateur trompé, pourrait penser que le vin provient de cette zone géographique protégée.
L’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) doit donc refuser l’enregistrement d’une marque si elle porte atteinte à une indication géographique antérieure, et toute personne autorisée à exercer son droit sur une IG peut former opposition ou agir en nullité contre la marque litigieuse.
La notion d’atteinte à l’indication géographique est définie de manière plus précise par le droit européen. Selon l’article 103 du Règlement UE n°1308/2013[3], les IG sont protégées contre :
Le risque de confusion entre la marque et l’IG antérieure n’est d’ailleurs pas nécessaire pour caractériser l’atteinte à l’indication géographique, dès lors que les produits sont similaires à ceux bénéficiant de l’IG.
A titre d’exemple, la Cour d’appel de Bordeaux a annulé la marque trompeuse « Cru du Fort Médoc », qui désignait un vin d’AOC « Bordeaux supérieur » n’ayant pas le droit à l’appellation « Médoc » (CA Bordeaux, 10 mars 1980).
On constate que les AOC et les IGP bénéficient désormais d’une protection renforcée et c’est notamment le cas concernant la notion d’évocation d’indication géographique qui est interprétée de plus en plus largement par les juges.
En effet, l’évocation peut être caractérisée même en l’absence de similitude phonétique ou visuelle avec l’indication, dès lors que le consommateur est amené à avoir à l’esprit comme image de référence le produit bénéficiant de l’IG.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a d’ailleurs considéré que le simple usage de termes ou éléments figuratifs reprenant les codes d’une indication géographique, est constitutif d’une évocation d’IG :
NOS CONSEILS :
2. Votre vin bénéficie d’une indication géographique :
Votre vin bénéficie d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication géographique protégée et vous souhaitez déposer une marque viticole reprenant ce nom.
Les AOC et IGP ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation privative, il est donc en principe impossible de les déposer à titre de marque.
Les tribunaux ont rappelé ce principe même lorsqu’une seule exploitation bénéficie de l’appellation, c’est l’exemple de l’appellation « Romanée-Conti » dont le Domaine de la Romanée-Conti est le seul exploitant du prestigieux cru. La Cour d’appel de Paris a ainsi annulé les marques « Romanée-Conti appellation Romanée-Conti » et « Domaine de la Romanée-Conti » affirmant qu’une AOC sur laquelle s’exerce un droit collectif, n’est pas appropriable par une seule personne (CA Paris, 28 novembre 1985).
Il existe cependant une exception puisqu’il est possible d’enregistrer une indication géographique au sein d’une marque « complexe ». C’est-à-dire que l’IG est accompagnée d’un ou de plusieurs éléments distinctifs au sein de la marque.
Les éléments distinctifs, sont autant d’éléments arbitraires qui permettent au consommateur d’identifier et de distinguer votre marque de l’indication géographique. Ils sont nombreux, sous réserve de leur disponibilité :
Plus votre marque sera originale et distinctive aux yeux du consommateur, moins il y aura de risque de confusion et d’appropriation de l’indication géographique. Les juges reconnaissent à ce titre qu’une marque mentionnant une IG parmi d’autres éléments suffisamment distinctifs est licite. C’est le cas par exemple pour la marque figurative complexe mentionnant « Champagne Dom Pérignon » (CA Paris, 17 sept. 2008) :
Les règles d’étiquetage des vins bénéficiant d’une IG prévoient la possibilité de mentionner sur l’étiquette le nom d’une zone géographique plus petite ou plus grande que la zone qui est à la base de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique (art 5, décret n° 2012-655 du 4 mai 2012)[4].
Cette mention est possible si et seulement si :
Dès lors, le vigneron peut enregistrer à titre de marque le nom d’une dénomination plus petite, comme par exemple un clos ou un climat en Bourgogne, ou une unité plus grande, telle qu’une région.
A titre d’illustration, l’usage de la marque « Sud de France » pour désigner des vins du Languedoc-Roussillon est considéré par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) comme non conforme à la réglementation européenne sur l’étiquetage des vins. En effet, la possibilité de mentionner cette unité géographique plus grande n’est mentionnée dans aucun cahiers des charges des IG régionales.
Pour être susceptible d’enregistrement, la marque doit impérativement désigner des vins bénéficiant de ladite appellation et le libellé du dépôt doit se limiter à ces produits. En matière de vins, le libellé de la classe 33 devra préciser la conformité à l’indication géographique. Par exemple pour l’AOC Champagne : « vins conformes à la définition et aux conditions d’utilisation de l’appellation d’origine contrôlée « Champagne » ».
NOS CONSEILS :
Le cabinet CASALONGA est spécialisé dans la valorisation et la défense des marques vitivinicoles. Nous assistons nos clients notamment sur les questions de contrefaçon, de concurrence déloyale, d’étiquetage des vins et de conformité à la loi Evin.
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[1] Décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 relatif à l'étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques œnologiques
[2] Règlement délégué (UE) n° 2019/33 de la commission du 17 octobre 2018 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les demandes de protection des appellations d'origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole, la procédure d'opposition, les restrictions d'utilisation, les modifications du cahier des charges, l'annulation de la protection, l'étiquetage et la présentation
[3] Ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services
[4] Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil