lus qu’un slogan, c’est un véritable dogme : "il n’est de Champagne que de la Champagne" martèle le Comité Interprofessionnel du Champagne. Défendant bec et ongle l’utilisation de son AOC, l’interprofession champenoise lui confère sans doute l’une des plus fortes protections juridiques de la filière vitivinicole. En témoigne la destruction judiciaire ce 24 mai au Havre de 34 968 bouteilles d’un soda haïtien étiqueté "Couronne Fruit Champagne" (photo ci-dessous). Saisis par les douanes dans le port du Havre à leur arrivée en octobre 2021, ces boissons gazeuses ont été condamnées à la destruction pour contrefaçon de l’appellation par le Tribunal Judiciaire de Paris le 11 octobre 2022, estimant que « la mise sur le marché de ces bouteilles était de nature à avilir l’appellation Champagne » rapporte un communiqué du CIVC, précisant que cette destruction a été réalisée « dans le plus grand respect des préoccupations environnementales, en veillant à ce que l’ensemble du lot -emballages, contenu et contenant- soit recyclé de manière écoresponsable ».
Un mois après la destruction des canettes "champagne of beers" à Anvers (Belgique), cette nouvelle opération témoigne de la vigilance de l’interprofession champenoise et de sa capacité à sensibiliser les servies douaniers à la protection de son AOC. Il faut dire que chaque année le CIVC investit « plus d’un million d’euros » à cette lutte et « ouvre quelque 500 dossiers contre de nouveaux produits de toutes sortes utilisant l’appellation d’origine Champagne » déclare le comité Champagne. « Les usages de l’appellation Champagne pour d’autres produits que notre vin sont illicites et sanctionnables. Ils ont pour objectif de détourner la notoriété de l'appellation, donc de bénéficier d’une partie de l'image du nom Champagne. Ce genre d’utilisation contribue à l'affaiblissement de la renommée de l'appellation » déclare Charles Goemaere, directeur général du Comité Champagne


Ce dogme de la protection à tout crin de l’AOC n’est pas appliqué par tous les vins français, faute de moyens ou de volonté. Mais aussi de cas particuliers réglementaires. S’il est inenvisageable qu’un producteur de bière dans la Marne se revendique de la Champagne d’une manière ou d’une autre, on voit de plus en plus de brasseurs faire référence à des AOC dans leurs étiquetages. Par exemple avec les bières de la Brasserie Artisanale du Ventoux, qui existent depuis 2015 et expliquent à Vitisphere que « le Ventoux avant d’être une appellation ou un indication géographique viticole est un parc naturel qui appartient au patrimoine collectif* ». En la matière, l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) indique également à Vitisphere qu’« en vertu de la règlementation (art 103 du Règlement OCM 1308/2013) les noms d’AOP sont protégés contre toute utilisation pour des produits comparables ou dès lors que l’utilisation tire profit de la réputation de l’AOP. En l’espèce, les bières et les vins n’étant pas considérés par la jurisprudence comme des produits comparables, il convient de voir s’il y a volonté de placer les bières dans le sillage de l’AOP Ventoux. Le nom "Brasserie artisanale du Mont Ventoux" ne faisant pas référence au secteur viticole, visant expressément les bières et le Mont Ventoux, il ne semble pas que ce nom contrevienne à la règlementation en matière d’IG ». De la même manière, on voit des bières et whiskies faisant référence à Bordeaux sur leurs étiquettes et communications grâce à leur ancrage dans la capitale girondine.
* : Sous la dénomination Côtes du Ventoux, l’appellation existe depuis 1973. La structuration de l’aménagement touristique du Mont-Ventoux remonte à 1965, avec une reconnaissance comme parc naturel par décret en 2020.
Un aperçu du soda incriminé. Photo : Comité Champagne.