’est pour obtenir le renouvellement de son Certiphyto "Décideur" que Pierre Lanza, vigneron dans le Var, à Puget-Ville, vient de solliciter son conseil stratégique phytosanitaire (CSP). Une démarche obligatoire pour tous les vignerons qui ne sont pas en bio ni certifiés HVE. « L’audit s’est déroulé à la chambre d’agriculture avec un conseiller viticole, rapporte le vigneron. J’ai réalisé un CSP individuel et cela a duré 2 heures et demie. »
Benjamin Descôtes, vigneron sur 6,2 ha en Beaujolais-Village, à Vaux-en-Beaujolais, a lui aussi réalisé récemment son CSP. Il confie que « cela a duré une petite demi-journée et m’a couté 180 euros ».
Benjamin Descôtes, vigneron dans le Beaujolais (Crédit photo DR)
Le conseil stratégique phytosanitaire s’organise en deux temps: tout d’abord un diagnostic de l’exploitation, puis des conseils de réduction des quantités et de bonnes pratiques d’application des produits phytosanitaires.
Quelques jours avant son rendez-vous avec la chambre d’agriculture du Rhône, Benjamin Descôtes a reçu un tableau Excel à remplir. « Il fallait renseigner le nombre de salariés sur le domaine, le type de Certiphyto, le parcellaire, décrire le matériel de désherbage et de pulvérisation, et fournir les calendriers et programmes de traitement sur les trois dernières années », énumère le vigneron.
Pour sa part, Pierre Lanza a fourni le calendrier de traitement de ses 52 hectares et un descriptif de son parcellaire lors de son rendez-vous avec Gisèle Ventre à la chambre d’agriculture du Var. « Dans un premier temps, la technicienne a vérifié que je respectais bien les zones de non-traitement, puis elle calculé mes IFT et listé les produits CMR que j’utilisais, explique le vigneron. L’objectif étant de voir comment je pouvais réduire mes IFT à l’avenir. »
Une fois l’audit de l’exploitation établi, les conseillers viticoles ont toutes les données pour émettre des recommandations. Ils proposent alors un plan d’action, en concertation avec le viticulteur. « J’ai eu des conseils pour la mise aux normes de mon local phyto, la bonne utilisation des EPI et le mélange des produits de traitement », raconte Pierre Lanza.
Jérôme Donzeaud, propriétaire du Château Sauman, à Villeneuve, en appellation Côtes de Bourg, a réalisé son CSP en 2021, alors qu’il travaillait déjà à l’arrêt des désherbants chimiques.
Jérôme Donzeaud, vigneron en AOC Côtes de Bourg (crédit photo DR)
« Je projetais de passer en bio en 2022 ; ce rendez-vous à la chambre m’a permis de mieux préparer ma conversion, confie le vigneron. La conseillère m’a suggéré d’investir dans un second pulvérisateur afin de réduire les délais de traitement, et dans des interceps montés entre roues pour tondre et désherber mécaniquement en même temps, donc réduire mon empreinte carbone. A l'issue de mon CSP, nous avons effectué des essais d’application des produits de traitements dans mes vignes. Cela a permis d’affiner en fonction de mon parcellaire la hauteur des buses, leur débit et le volume de bouillie par hectare. Les bras extérieurs du pulvérisateur ont même été écartés de façon à traiter au plus près du feuillage. »
Benjamin Descôtes, a bénéficié de conseils quant à la réduction des produits phytosanitaires. « J’ai revu mon calendrier de traitement. La chambre d’agriculture m’a conseillé l’application d’Armicarb en début de saison sur les blancs, contre l’oïdium, et un poudrage avec du soufre si les conditions météo le permettent. Elle m’a également suggéré de positionner un anti-germinatif en février plutôt qu’en mars, afin de renforcer l’efficacité du glyphosate appliqué par la suite. »
A la suite de son CSP, Benjamin Descôtes réfléchit même à restructurer son vignoble. « Je pense arracher certaines parcelles et les replanter à 2 mètres dans le but de mécaniser une partie du domaine », confie le vigneron, qui prévoit d’aborder le sujet avec le conseiller lors du prochain CSP.
Edwige Reber, en charge du conseil stratégie phytosanitaire pour la chambre d’agriculture de Gironde, précise qu’à la fin du rendez-vous, le vigneron repart avec un compte-rendu écrit et reçoit une attestation de réalisation du CSP, permettant notamment son inscription au renouvellement du Certiphyto "Décideur".
C’est peu dire, que les vignerons ne se précipitent pas pour demander leur conseil stratégique phytosanitaire. Mi-mars, la chambre d’agriculture du Var n’en avait réalisé que quatre. En Gironde, en Champagne et dans les Pyrénées-Atlantiques, les premiers CSP sont prévus pour cet été. Même constat en Alsace, où la chambre d’agriculture n’a pour le moment réalisé aucun CSP. Et pourtant, à partir du 1er janvier 2024, tout exploitant souhaitant faire renouveler son Certiphyto "Décideur" devra disposer d’une attestation de CSP. Seuls les vignerons certifiés agriculture biologique (AB), ceux en conversion sur la totalité de leur domaine et ceux certifiés haute valeur environnementale (HVE) sont dispensés de cette formalité. Par la suite, il faudra réaliser deux CSP en cinq ans, espacés de trois ans maximum, sauf pour les exploitations de moins de 2 hectares, pour lesquelles un seul suffira. Le conseil stratégique phytosanitaire est à ne pas confondre avec le conseil spécifique phytosanitaire. Ce dernier, non obligatoire, vise à proposer des méthodes alternatives pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.