Marché français
Les cavistes sermonnent les champagnes
![« Par ces [prix bas] réguliers, la GD continue donc de plomber le positionnement prix de l’appellation » estime le caviste Patrick Jourdain. « Par ces [prix bas] réguliers, la GD continue donc de plomber le positionnement prix de l’appellation » estime le caviste Patrick Jourdain.](upload/breves/09-2019/grd_1569581335_90324.jpg)
Les promotions récurrentes dans les circuits de masse faussent le prix de référence de l’ensemble des vins champenois estime le syndicat des cavistes. Qui alerte la filière sur un risque de détournement massif de son réseau traditionnel.
Entre prix cassés et référentiels faussés, « aujourd’hui, vendre normalement du Champagne n’est plus possible » alerte Patrick Jourdain, le président du Syndicat des Cavistes Professionnels (SCP), dans une « lettre ouverte aux maisons, vignerons et coopératives de Champagne ». Parlant au nom de 1 350 points de vente français, le caviste estime que l’ensemble des vins de l’appellation champenoise voit son attractivité remise en question dans le réseau traditionnel. L’image d’autres vins effervescents notamment crémants, étant moins marquée par un positionnement récurrent en tête de gondole promotionnelle de la grande distribution.
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Si la loi Alimentation limite depuis ce début d’année les promotions en grandes surfaces, et pèse sur les ventes champenoises, le SCP s’indigne d’actions commerciales récurrentes qui continuent de placer les champagnes en produits d’appel. Comme cet été les bouteilles vendues moins de 10 euros dans certaines enseignes Carrefour (marques Charles Lafitte à 9,90 euros et Montaudon à 9,5 €). Comme le récent référencement de grandes marques dans le hard-discount Lidl (Ayala, Gosset, Mumm, Philipponnat, Perrier-Jouët, Roederer, Ruinart…).
Se voulant implacable, la lettre ouverte des cavistes ne laisse pas les négociants se défausser de la responsabilité des promotions sur les distributeurs. « Cela n’aurait pas été possible si ces Champagnes n’avaient pas été achetés à très bas prix ! » estime Patrick Jourdain. Le caviste critique « de vraies distorsions de concurrence entre circuits de masse et circuits spécialisés […]. Ce qui continue à détourner de plus en plus de cavistes de toute incitation à valoriser les marques de Champagne [ou] à limiter leur gamme à quelques références afin de répondre aux demandes spécifiques et à orienter sinon leurs clientèles vers des alternatives plus motivantes. »
A entendre le diagnostic sévère du SCP, le système actuel de commercialisation des champagnes court à sa perte. La dépendance des marques de négoce aux ventes en promotion dans la grande distribution brouille la perception que le consommateur peut avoir du prix de référence de l’AOC Champagne, ce qui alimenterait le désamour des cavistes pour tous les champagnes, un détournement qui pourrait s’étendre par effet domino à d’autres réseaux, y compris l’export.
A jouer les cassandres, les cavistes ont irrité quelques négociants peut-on entendre. Mais « c’est un peu facile de tout mélanger » rétorque un élu du Syndicat Général des Vignerons de Champagne. Qui souligne que « la gamme des champagnes est large, y compris dans les marques de grands groupes, qui ont des références pour la GD et d’autres plus élaborées pour les cavistes et la restauration. Il y a du travail à faire ensemble pour valoriser nos vins en apportant un service d’assistance aux consommateurs. »
S’estimant constructif pour le Champagne et pas agressif avec ses opérateurs, le SCP en appelle au ressaisissement tarifaire de tous. Y compris les caves coopératives et vignerons, invités à rationaliser leurs politiques de prix. Que ce soit en distinguant les tarifs de la vente au caveau et de ceux aux cavistes, en appuyant la promotion par la dégustation… Un appel à renouer des relations saines pour valoriser l’AOC Champagne.