Rame, rame. Rameurs, ramez. On avance à rien dans ce canoë » pourront s'amuser à chanter dès le printemps 2015 les ouvriers de chai du château les Carmes Haut-Brion (Pessac-Léognan), quand leur nouvel outil de travail sera paré à appareiller. Immergé dans un bassin du parc, ce cuvier est profilé comme un paquebot de la Belle Epoque (ou une galère antique). Mais si son immobilisme sera aussi résigné qu'une chanson d'Alain Souchon, le chai se donne les moyens de son ambition de navire amiral échoué aux barrières de Bordeaux. Ses coûts de construction sont actuellement estimés à 9 millions d'euros, pour une surface de 2 000 mètres carrés répartie sur quatre étages :
- sous le plan d'eau se situera le chai d’élevage (capacité de 300 barriques) ;
- au rez-de-chaussé se trouveront la réception de la vendange (200 m²) et le cuvier (400 m²), ce dernier ayant une capacité de 900 hectolitres (avec 23 cuves mixtes, en volume et en matériaux : bois, inox et béton) ;
- au premier étage une salle de dégustation (donnant sur le cuvier de vinification) ;
- au dernier niveau une terrasse panoramique (350 m²).
De part sa forme, ce chai de vinification et d'élevage se met évidemment sous la tutelle des transports maritimes, ayant consacré la place des vins de Bordeaux, mais il sera aussi placé sous la signature de son créateur : Philippe Starck (connu pour ses aménagements d'intérieur et son apport au design industriel). Si le designer estime que l'« on ne peut utiliser que le langage de l’immatériel, du mental pour conter le vin. Sa maison se devait à l’évocation, au minimum, une intuition, un reflet », l'objectif était bien « avant tout de faire de ce chai un outil efficace » précise l'architecte Luc Arsène-Henry (maître d'œuvre à Bordeaux des chais des châteaux Ducru-Beaucaillou et Pichon Longueville). Après le chai sous la colline du château Cheval Blanc, ce chai sur le lac confirme le jugement architectural de Jean-Michel Cazes (château Lynch-Bages) : « on construit désormais plus les chais que les châteaux à Bordeaux ».
Proclamé « seul château au cœur de la ville de Bordeaux », le château les Carmes Haut-Brion (10 hectares) a été acheté en 2010 par Patrice Pichet, PDG du groupe familial Pichet (500 millions de chiffre d'affaires en 2013, principalement dans l'immobilier). En 2012, le promoteur girondin a agrandi sa propriété viticole en rachetant 6 hectares de son voisin, le château le Thil Comte Clary (cliquer ici pour en savoir plus). Commencés en janvier dernier, les travaux de construction de ce nouveau cuvier s'insèrent dans une réhabilitation plus globale du parc du château (zones humides, bassins d’agréments et fontaine).
[Illustrations : Giorgi Bocolishvili pour l'aperçu en images de synthèse du futur chai, cabinet de Luc Arsène-Henry pour les plans du chai]