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Le marché chinois du vin, entre correction et reconstruction
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Nouvelles stratégies pour nouvelles habitudes
Le marché chinois du vin, entre correction et reconstruction

De 15,5 millions d’hectolitres en 2019 à seulement 5,5 en 2024 : en cinq ans, les importations de vin en Chine se sont effondrées. Une chute vertigineuse, alimentée par des facteurs multiples - économiques, politiques et culturels - dont plusieurs antérieurs à la pandémie. Faut-il pour autant tourner la page de cet ancien Eldorado, ou plutôt y voir les signes d’un marché en pleine mutation, où les opportunités se saisissent à long terme ?
Par Sharon Nagel Le 14 novembre 2025
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Le marché chinois du vin, entre correction et reconstruction
Sur un marché plus complexe, le relationnel ou guanxi devient encore plus important. Or, selon Jean-Charles Letellier, « il y a encore beaucoup de méconnaissance des entreprises françaises du marché chinois et de la Chine en général » - crédit photo : Jean-Charles Letellier
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utrefois marché phare du paysage international, la Chine a indéniablement perdu de son aura ces dernières années. « Les Chinois suivent aujourd’hui les tendances générales, ils sont plus modérés dans leurs comportements. Au lieu de commander un conteneur ou deux, ils vont acheter quelques palettes pour tester les marchés », observe Jean-Charles Letellier, ancien ambassadeur de marque en Chine pour de grands châteaux bordelais et fondateur de Vinifield, société spécialisée dans le développement export. Ayant subi ce que l’économiste australien Kym Anderson appelle une « contraction corrective », le marché chinois a entamé une mue, sous l’effet conjugué de régulation étatique, de ralentissement économique et d’un alignement sur des modes de consommation plus classiques. « Aujourd’hui, il faut trouver d’autres relais de croissance », poursuit Jean-Charles Letellier, installé à Bordeaux et sinophone. « Le marché est toujours là, mais il a changé. Les Chinois sont plus informés qu’avant. La nouvelle génération, connectée via des VPN, s’ouvre au monde tout en étant moins dépendante de l’Occident qu’avant ».

Le Made in China prime

La montée en puissance du patriotisme économique – le guochao – a alimenté les ambitions de la production nationale, soutenue à la fois par l’absence de taxes et par une amélioration qualitative indéniable. « Le gouvernement chinois promeut davantage les produits Made in China. Les consommateurs, jeunes ou non, vont toujours préférer consommer du vin chinois au vin étranger », constate Jean-Charles Letellier, qui s’appuie sur un réseau d’importateurs et de distributeurs sur toute l’Asie. Une étude publiée en mai dernier par l’Université de Geisenheim pour ProWein confirme ce sentiment : si 59% des professionnels chinois anticipaient une amélioration de leur situation économique en 2025, près de la moitié prévoyaient simultanément une baisse des ventes de vins tranquilles importés d’ici 2027.

Des habitudes de consommation en mutation

Cela ne signifie pas pour autant que le segment des vins importés est voué à disparaître : « Les vins français ont toujours une très bonne réputation en Chine et sont toujours bien valorisés. Mais le Made in France ne suffit plus. De plus, les importateurs chinois ont plus de choix qu’avant et comme ce sont des entrepreneurs assez pragmatiques, ils vont aller là où ça leur rapporte le plus ». Entendons par là, non seulement des pays fournisseurs bénéficiant de droits à l’importation plus faibles, comme le Chili ou l’Australie, mais également toute la panoplie de boissons qui a envahi le marché chinois, comme partout ailleurs : boissons prêtes à boire, cidres, bières locales mais aussi produits faiblement et non alcoolisés. « Le marché chinois se structure. Il a tellement explosé que sa descente est aussi rapide. Il y a toujours une clientèle qui voudrait bien consommer, mais peut-être différemment », abonde Nicolas Boissonneau, propriétaire et directeur commercial des Vignobles Boissonneau en Gironde. « Notre distribution était habituée à vendre des conteneurs sur beaucoup de régions. Peut-être que désormais on doit réfléchir à notre approche commerciale, se dire qu’on a saisi de très belles opportunités en Chine mais qu’il faut désormais faire évoluer notre stratégie », estime-t-il, évoquant « de gros changements dans la distribution et la consommation ».

Innovations tous azimuts

De nouvelles catégories de produits émergent même s’il faut raison garder : 95% des volumes de vins concernent toujours des rouges. Si Jean-Charles Letellier ne croit pas au potentiel des vins rosés – « Je n’en ai jamais vendu une seule bouteille en Chine » – il observe la montée en puissance des blancs, effervescents et produits faiblement alcoolisés ou sans alcool. « La tendance va vers les effervescents moins chers que le champagne, qui est devenu très cher » estime-t-il, soulignant par ailleurs l’importance prise par la mention du cépage et par le public féminin, qu’il décrit comme un « vecteur de consommation ». Si le packaging fait l’objet d’une certaine innovation – les bouteilles évoluant des modèles bordelais très classiques vers des formes coniques, lourdes et gravées – les flacons de prestige exigent cartons individuels voire caisses en bois, culture du cadeau oblige. Quant aux « no-low », les producteurs de baiju donnent le la, lançant l’un après l’autre des versions moins alcoolisées pour tenter d’enrayer la baisse des ventes et séduire une clientèle plus jeune. Certains ont également mis sur le marché des « vins » à base de fruits et autres cocktails prêts à boire.

Le cœur de marché souffre

Autre évolution notable : la polarisation croissante du marché. « Globalement, entre 4€ prix de vente ex-works et jusqu’à 12-13€, le marché est compliqué », confirme le spécialiste du marché asiatique. « Les importateurs se tournent soit vers le premier prix avec de grosses volumétries où la qualité vient en second plan, ou vers des produits extrêmement chers, de grandes marques ou des appellations prestigieuses et certains Crus Classés. Entre les deux on a du mal ». Il recommande aux exportateurs d’articuler leur offre autour de trois modèles : « Il faut une porte entrée de gamme, une porte cœur de gamme et une porte premium-ultra-premium ». Vient ensuite une négociation classique où le haut de la pyramide se négocie avec une contrepartie sur les produits moins chers, « pour faire du volume parce que les entreprises ont besoin de vendre ». Et d’expliquer par ailleurs : « J’interviens auprès de mes interlocuteurs chinois pour leur dire que les produits entre deux sont tout aussi faisables et parfois même plus générateurs de business que les grandes marques où la transparence des prix fait qu’il est difficile de gagner sa vie ».

Des stocks toujours encombrants

Les importateurs chinois restent également confrontés au problème récurrent des stocks. « Je ne connais ni leur volume ni leur valeur parce que ces chiffres ne sont pas communiqués, mais il y a encore beaucoup de stocks », estime Jean-Charles Letellier. « Or, qui dit stocks importants dit inévitablement opérations de déstockage, qui ont été faites récemment parce que les sociétés ont besoin de trésorerie. Proposer des produits à très bas prix déséquilibre forcément le marché et importateurs comme consommateurs auront du mal à repasser le cap en ayant connu ces prix ». Les stocks ne concernent pas uniquement les entrées ou cœur de gamme : « Sur la partie Grand Cru, il y a beaucoup de stocks en Chine et à Hong Kong. Les Grands Crus commencent à s’essouffler alors que pendant très longtemps ils étaient les locomotives de Bordeaux ».

Shenzhen prend le relais de Hong Kong 

Le rôle de Hong Kong, longtemps plaque tournante du commerce du vin, évolue lui aussi : « Dans les années 80-90, Hong Kong représentait 25% du PIB total chinois. En 2025, cette part est passée à moins de 3% ». L’activité se déplace vers la ville de Shenzhen, voisine directe, où se concentrent de grandes entreprises comme Huawai et Tencent et dont le gouvernement entend faire une « vitrine du socialisme à la chinoise ». Hong Kong conserve une fonction de réexportation vers la Chine continentale, « mais la ville a perdu de son importance ».

S’allier pour durer

Pour réussir sur un marché de plus en plus sélectif, Jean-Charles Letellier recommande de s’allier à d’autres exportateurs pour créer un effet de gamme englobant plusieurs vignobles. « Cela ne se fait pas suffisamment. Chacun se regarde en concurrence et il n’y a pas de véritable volonté à aller ensemble sur les marchés alors que cela permet d’élargir son champ de distribution ». Que l’on soit seul ou regroupés, le tout est de « trouver son point d’accroche - le storytelling adapté au contexte local, le sans alcool, la RSE… » mais aussi, de bien connaître son réseau de distribution. « On ne peut pas vendre les mêmes produits dans tous les circuits de distribution. Il faut avoir des marques ou des gammes complètement différentes au sein de son portefeuille. Certaines appellations comme Champagne ou les marques de Cognac le font très bien, mais la plupart des appellations ne savent même pas à qui elles vendent. Or, la non-maîtrise des circuits de distribution est un problème capital ».

Comme la vaste majorité des marchés export, la Chine exige désormais de s’armer de patience : « J’ai bien peur que 2025 soit encore une année compliquée et on ne ressent pas encore de rebond pour le printemps prochain, après le Nouvel An chinois », avertit Jean-Charles Letellier. « Mais à moyen ou long terme, ça va repartir. La Chine sera toujours un pays consommateur d’alcool, simplement, les façons de boire évoluent ».

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